Interview de Guillaume Michel par Baussant Conseil

 
Guillaume Michel dirige le domaine viticole Louis Michel & fils, installé depuis le 19ème siècle au cœur de Chablis. Transmis de génération en génération, ce domaine perpétue une histoire de famille. Interview réalisé par Pascale Baussant, le 18 mars 2019.
 

Pouvez-vous nous présenter le domaine Louis Michel & fils ?


Le domaine Louis Michel & fils est un domaine familial. Nous sommes la 6ème génération, mais des recherches généalogiques que ma mère est en train de faire et remontant à l’an 1700 montrent que nous serions plutôt la 11ème génération de viticulteurs ! Nous cultivons 25 hectares de vigne, ce qui représente environ 150/160 000 bouteilles produites chaque année. Nos vignes sont situées au cœur du vignoble de Chablis. Nous produisons des vins sur les 4 appellations de Chablis (du Petit Chablis jusqu’au Grand Cru). La majorité de notre production est constituée de Premiers et de Grands Crus. Toute notre production est vendue en bouteilles et depuis longtemps (ce qui n’est pas le cas de tous les domaines qui vendent pour beaucoup en vrac à des négociants).
 

Pouvez-vous nous parler de votre parcours ? Car vous n’avez pas démarré votre carrière dans le vin…


Je suis le fils d’Annick Michel qui est elle-même la fille de Louis Michel. Ma mère a quitté Chablis pour faire sa carrière à Paris. C’est son frère qui a repris le domaine après le départ en retraite de mon grand-père Louis Michel. Je suis né et j’ai grandi à Paris. J’ai trouvé un travail dans la communication, dans une agence internet ; à l’époque c’étaient les balbutiements du web et je me suis beaucoup amusé. Mais je gardais une attirance pour le vin et un beau matin, à l’âge de 30 ans, j’ai décidé de tout arrêter et de retourner à Chablis. J’ai appelé mon oncle (qui n’a lui-même pas d’enfants), et je suis retourné au domaine. Il n’y a jamais eu de pression dans ma famille pour me « pousser » à reprendre le domaine, j’ai fait ce choix volontairement.

Vous avez dû vous former ?


J’ai suivi une formation accélérée d’un an en alternance sous forme d’un brevet professionnel. Et mon oncle m’a bien aidé à me former sur le terrain.
 

Il s’agit d’une histoire familiale. Que voudriez-vous transmettre à vos enfants ?


Je ne souhaite surtout pas leur mettre de pression pour la reprise du domaine. En revanche, s’ils sont intéressés, je souhaiterais leur transmettre un outil opérationnel, efficace, clé en mains, avec une notoriété et une stabilité financière, en leur laissant une grande autonomie comme j’en ai eue moi-même.
 

Pourquoi êtes-vous autant tourné à l’international et comment s’explique votre succès à l’étranger ?


Le Chablis est un vin qui s’exporte très bien en général, plus des 2/3 du Chablis est bu à l’étranger. Pour notre domaine, depuis les années 50 déjà, la vente était très tournée vers l’exportation. Le fait que notre production soit en bouteilles, le hasard des rencontres, et notre notoriété dans le monde anglo-saxon ont contribué à ce succès. Aujourd’hui, l’export représente 85% de notre production. Cela nous permet d’avoir des échanges avec des cultures différentes, ce qui est très enrichissant. Et comme il s’agit d’un investissement « plaisir », nous rencontrons des passionnés, des sommeliers, des chefs étoilés… Cet univers est palpitant. Je me déplace d’ailleurs régulièrement.
 

Qu’est-ce qui vous plait le plus dans votre quotidien ? A quelles difficultés devez-vous faire face ?


Ce métier offre de multiples facettes : la partie nature et plants, la partie élaboration et vinification, et la partie commercialisation. Mon quotidien est tout sauf monotone ! Les difficultés sont multiples, l’aléa de la météo notamment. Quand un orage de grêle s’abat sur une parcelle, vous êtes totalement impuissant. Un an de travail peut être anéanti en quelques minutes. Nos charges sont stables, alors que nos recettes sont aléatoires.
 

Nous ressentons une prise de conscience sur le sujet environnemental. Qu’en pensez-vous ?


Nous venons justement d’obtenir la certification HVE (Haute Valeur Environnementale), qui a une approche plus globale que l’approche biologique, en prenant en compte par exemple la gestion des ressources en eau ou la biodiversité. Quand on a une approche long terme, on est nécessairement concerné par cette approche d’agriculture raisonnée.
 

Quels sont les projets du domaine Louis Michel & fils pour les prochaines années ?


Continuer d’aller vers une viticulture de plus en plus respectueuse de l’environnement, et toujours rechercher l’authenticité du terroir chablisien. Je n’ai pas de projet d’agrandissement, mon objectif est de continuer à viser l’excellence dans notre domaine et de rester une exploitation à taille humaine. Il va aussi falloir nous adapter à l’imprévu, comme le Brexit et l’inconnu qu’il génère.

Quel serait votre vin coup de cœur que vous pourriez nous conseiller de goûter ?


Sans hésiter, un Premier Cru qui se situe sur la rive droite de Chablis, le « Montée de Tonnerre ». Ce vin reflète ce que l’on produit de mieux à Chablis ; ce vin est puissant, frais, tendu, ciselé, avec ce côté silex, caillou, lié à notre sol et typique des chardonnays produits à Chablis. Vous avez la qualité d’un Grand Cru pour le prix d’un Premier Cru, c’est un vin qui apporte souvent beaucoup de satisfaction.
NDLR : l’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération !
Retrouvez un autre portrait inspirant : Valère Corréard, journaliste sur France Inter