Orienter son épargne pour le climat : Interview de Pascale Baussant dans Smart Patrimoine

Comment concilier engagement pour le climat et gestion de son épargne ? C’est le sujet sur lequel Pascale Baussant a eu l’occasion d’échanger sur le plateau de Smart Patrimoine, à l’occasion de la sortie de son livre “Agir pour le climat avec son épargne”.

Pour visionner l’émission, rendez-vous sur : https://www.bsmart.fr/video/16490-smart-patrimoine-partie-20-octobre-2022 

Voici la retranscription de l’émission :

Pascale Baussant, vous avez choisi d’écrire un livre spécialement consacré à l’engagement pour le climat. Pourquoi ce biais climat ?

Je pense que c’est un biais personnel qui m’anime, mais je le répète tout au long du livre, on ne pourra pas avoir une transition écologique sans l’aspect social. On ne peut pas dissocier les deux. Mais il est vrai que le biais de ce livre est effectivement le climat.

On a aujourd’hui une offre financière qui s’est transformée via des critères ESG : Environnement, Social et Gouvernance. Est-ce que, selon vous, l’offre et la demande sont en adéquation, entre d’un côté la demande en agissement sur le climat et de l’autre la réponse ESG ?

De plus en plus. C’est vraiment la leçon que j’ai tirée de l’écriture de ce livre. Toutes les solutions, toutes les innovations financières qui existent et que l’on a à notre disposition, en tant qu’épargnant ou que conseiller financier, et surtout les minimums d’investissement, peuvent être très accessibles. Il n’est pas réservé à une élite. La majeure partie des solutions d’épargne à impact évoquées sont accessibles au plus grand nombre.

Dans le livre, on passe en revue toute la palette d’épargnes possibles et on commence par le compte courant. Vous dites qu’avoir de l’argent sur son compte courant, c’est le premier poste d’émission de CO2 de son épargne. C’est-à-dire qu’on finance indirectement des activités polluantes ?

Oui absolument. On estime que 3 000 euros sur un compte courant d’une grande banque classique française est équivalent, en matière de pollution, à un vol Paris New-York, donc cela est considérable et c’est un sujet qui est encore trop peu connu. Les banques financent, de manière massive encore, des projets d’extraction d’énergies fossiles et des projets en Arctique ou des projets de gaz et de pétrole de schiste. C’est un sujet particulièrement impactant.

Cela veut dire que l’on peut être engagé sur ces sujets-là mais ne pas savoir que l’argent qui dort sur son compte courant, de l’argent que l’on peut sortir à tout moment, peut financer des projets comme ceux-là ?

Absolument. L’important c’est d’essayer, peut-être, de commencer par en parler avec son conseiller bancaire. Ce n’est pas toujours facile, surtout lorsque l’on a des emprunts en cours, mais l’on peut essayer. Et c’est le message de ce livre : essayer d’encourager d’autres solutions plus vertueuses. Il y a plusieurs établissements qui sont connus, comme par exemple le Crédit coopératif ou la Nef, qui sont des banques engagées depuis longtemps. Et puis il y a de nouveaux entrants comme des néobanques, Hélios par exemple, qui ont des projets engagés et que l’on peut encourager en ouvrant, pourquoi pas, un deuxième compte dans ces établissements.

Il y a tout un chapitre qui m’a étonné sur la carte bancaire. L’utilisation d’une carte bancaire peut être polluante ?

C’est un sujet tout à fait minime et en particulier la carte bancaire en elle-même qui est constituée au niveau de sa puce avec des matériaux précieux. Seulement 10% des cartes bancaires sont recyclées. Nous n’allons pas rendre notre carte bancaire périmée dans notre banque et c’est dommage. Ramener sa carte bancaire pour qu’elle soit recyclée, pour que les métaux précieux soient recyclés, c’est un écogeste utile.

Si on veut investir avec un niveau d’engagement un peu plus conséquent en matière de transition énergétique, comment est-ce que l’on peut faire selon l’enquête que vous avez menée ?

Alors il y a évidemment une palette très large en termes de solutions d’investissement et dans ce livre je les classe des plus liquides aux plus engagées.

On a par exemple le compte sur livret. Avec des comptes sur livret où l’on est sûrs que, derrière, ce sont des projets à impact qui sont financés.

L’un des placements préférés des français, c’est l’assurance-vie. L’important est ce que l’on va mettre à l’intérieur de son contrat d’assurance-vie, les supports que l’on va choisir, et là on a une palette très large de solutions possibles. On peut avoir, quel que soit son niveau de risque ou son horizon de temps, différentes solutions avec beaucoup d’impacts possibles.

Je reprends l’exemple de l’assurance-vie. Quand on parle d’un fonds en euros ou des unités de compte immobilières, est-ce que là aussi on peut décider d’orienter en fonction d’une activité plus ou moins polluante ?

Bien sûr, alors peut-être juste une parenthèse préalable sur le sujet des actions. Ce n’est pas si simple de sélectionner des fonds plus ou moins engagés en faveur de la transition. Je me permets de donner un petit conseil assez simple, c’est de regarder le label Greenfin. On a une exclusion stricte des énergies fossiles et uniquement un financement d’éco-activités. Il y a peu de fonds qui existent, mais c’est en train de se développer donc voilà un premier conseil pour choisir des fonds d’actions dans un contrat d’assurance-vie.

Ça offre des performances intéressantes ?

Autant que des fonds non labellisés. Il n’y a pas de sous performance démontrée pour les fonds responsables.

Alors ça c’est pour la performance action oui…

Oui et pour l’immobilier alors je vous donne un exemple que j’évoque dans mon livre, c’est la thématique du recyclage urbain. Il existe un fonds aujourd’hui qui investit sur la thématique du recyclage urbain. Plutôt que d’investir dans un fonds immobilier, où l’on va avoir des constructions neuves d’immeubles, et bien là on recycle. On utilise des immeubles de bureaux, soit vacants soit obsolètes, et on les transforme en immeubles d’habitation. On peut avoir une dimension sociale et en moyenne cela permet de faire gagner à peu près 40% d’empreinte carbone. Cela évite aussi la problématique de l’artificialisation des sols agricoles que l’on perd chaque année. Donc c’est malin à plusieurs titres. Et petite mise en lumière d’un fonds qui s’appelle Novaxia R, qui est un fonds disponible sur cette thématique dans beaucoup de contrats d’assurance-vie.

Je reviens sur les actions, est-ce que quand on est soi-même intéressé et investi sur le sujet, on peut faire ce choix ou on a besoin d’être accompagné ?

Je suis une gestionnaire de patrimoine engagée, je ne peux pas vous dire le contraire. Se faire accompagner, je pense que cela peut être une bonne solution. Cela permet de faire un bout de chemin ensemble, de travailler main dans la main et de partager des engagements.

Est-ce que seul on a accès à toutes ces informations ? Si je reprends l’exemple du recyclage urbain, est-ce que l’on peut arriver à ce niveau de détail sur l’investissement de son assurance-vie ?

Non, ce n’est pas facile. Il est vrai que ce type de solutions est quand même réservé à des conseillers, ou en tout cas, est plutôt connu par les conseillers financiers.

Toutes les plaquettes disent qu’il y a un engagement pour la planète mais on ne se rend pas compte de ce qui est du greenwashing, de ce qui ne l’est pas. Comment faire son choix quand on est épargnant ?

C’est une question qui est difficile. Il y a quand même plus de solutions engagées qu’il y a quelques années, ce qui est bien ! La problématique que l’on a aujourd’hui est que l’on a presque trop le choix et que de nombreuses sociétés de gestion financière disent qu’elles pratiquent l’investissement responsable depuis toujours, ce qui n’est pas forcément le cas.

J’ai parlé de certains labels engagés, comme Greenfin ou Finansol, qui peuvent être une clé simple pour flécher son épargne. Une deuxième clé de lecture que je trouve très intéressante est celle du mécénat. Lorsque la société de gestion s’engage avec des produits de partage, à savoir des produits où une partie des frais de gestion est reversée à des associations, on observe un engagement extrêmement concret et on est à l’opposé du greenwashing. Par exemple, certains fonds qui ont adhéré à 1% pour la Planète reversent 1% des frais de gestion à du mécénat environnemental. Il n’y en a que 3. Le premier fonds à avoir été adhérent au 1% est Mandarine Global Transition. C’est un coût très important pour la société de gestion donc c’est un engagement fort et je trouve que ce sont des solutions que l’on doit encourager.

J’ai vu que vous avez également consacré un chapitre aux forêts. Quand on veut s’engager sur la replantation par exemple, comment est-ce que d’un côté on concilie engagement pour le climat et gestion du risque associé aux risques d’incendies pour les forêts et à l’investissement réalisé ? Est-ce que l’on peut concilier les deux ?

Le risque zéro n’existe pas, même dans les investissements, même lorsque l’on passe par une société de gestion. Il y a par exemple un acteur connu qui est France Valley, dont je parle dans le livre, qui propose des solutions très mutualisées. La mutualisation est déjà une protection contre les incendies, mais le risque zéro n’existera pas.

La problématique que l’on a eu cet été et qui a été mise en lumière, c’est malheureusement le manque d’entretien de nos forêts. La propriété est très morcelée. Là ça permet d’avoir un entretien beaucoup plus sérieux. Je précise au passage que l’investissement dans les forêts peut générer une réduction d’impôts de 25% si on investit avant la fin de l’année, donc on a aussi une petite fenêtre de tir.

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